Face au Covid-19, les professionnels de la petite enfance sont confrontés à des injonctions hyper hygiénistes . Comment préparer la reprise d’activité avec des mesures raisonnées qui ne mettront pas en danger la santé des enfants et des professionnels? Comment protéger la période des 1000 joursi (période in utero jusqu’aux 2 ans de l’enfant) qui conditionne la santé future des enfants ?
Pas de consignes claires et adaptées mais une obligation de résultat
Les pros de la petite enfance : les oubliés du covid?
Le secteur de la petite enfance a pu se sentir démuni face aux délais pour que soient rendues officielles certaines consignes adaptées. Question épineuse de l’adaptation des gestes barrières avec des bébés ou des jeunes enfants, alors même qu’on les pense des vecteurs importants de propagation du virus.
« Tousser dans son coude » paraît un peu incongru quand on s’occupe de bébés. Alors dans cette période où les angoisses ont parfois pris le dessus, où il faut rassurer tout le monde, les parents, les professionnels eux mêmes, les autorités compétentes, il est facile de prendre des mesures excessives et irrationnelles.
La crèche : « cluster » de substances chimiques ?
Déjà en temps normal la crèche peut vite se transformer en un « cluster » de substances chimiques. Petits espaces lavés et relavés avec des produits 5 en 1 parfumés et surpuissants (ou comment écraser une mouche avec un bulldozer) . Désinfection à tout va en présence des enfants, voire même un bébé dans un bras et le spray de produit désinfectant dans l’autre. Pour peu que la VMC ne fonctionne pas ou que les filtres aient été changés la dernière fois… quand est-ce qu’on a fait changer les filtres déjà ?
Ajoutons la quantité impressionnante de plastique : jouets en plastique, tapis d’éveil en plastique, sols en plastiques, vaisselle en plastique. Et saupoudrons avec du mobilier tout neuf en contreplaqué (des particules de bois avec beaucoup de colle et des émissions de COV records!) et des peintures fraîchement refaites et on obtient le contraire d’un environnement sain pour les experts en santé environnementale.
Quand les achats d’eau de javel ont progressé de +120%
La question de l’hygiène est devenue le rempart pour se protéger, quitte à oublier que l’utilisation démesurée de produits d’entretien chimiques est très nocive pour la santé.
La désinfection quotidienne des jouets dans certaines structures d’accueil devrait nous ouvrir les yeux sur l’aberration de la situation. Pour lutter contre le virus nous faisons peser des risques sur la santé des plus vulnérables : les enfants.
Se protéger du Covid19 ne doit pas nous faire oublier que nous nous protégeons au quotidien d’une autre épidémie, celle des maladies chroniquesii, intimement liée à notre exposition aux substances chimiques omniprésentes dans notre quotidien (dans l’air, dans l’eau, dans l’alimentation, le mobilier, les peintures…).
Et pourtant les risques pour la santé des jeunes enfants sont avérés
Les 1000 premiers jours : une fenêtre d’extrême vulnérabilité
Les enfants sont quotidiennement exposés à une grande variété de substances toxiques issues de différentes sources : produits ménagers, mauvaise qualité de l’air, alimentation, produits cosmétiques…
Des doses infimes de ces polluants peuvent avoir des effets néfastes sur leur santé à long terme, parfois à vie. De nombreuses études scientifiques ont établi les liens entre l’exposition à des substances toxiques et l’apparition de nombreuses pathologies chroniques ou développementales : troubles hormonaux et leurs conséquences (infertilité, puberté précoce, obésité, maladie thyroïdienne…), mais aussi malformations congénitales, cancers hormono-dépendants…
L’émergence de pratiques plus saines, en attendant un cadre réglementaire plus clair?
De plus en plus de professionnels du secteur de la petite enfance se tournent vers des pratiques saines et éco-responsables comme l’entretien écologique qui permet de nettoyer sans se pollueriii.
Pourtant la tâche est parfois ardue. Comment sensibiliser les équipes ? Aura-t-on l’aval de la PMI ? En France c’est une question de chance et de hasard, car malgré le travail essentiel effectué par la bien nommée Prévention Maternelle Infantile (PMI) les pros de la petite enfance manquent cruellement d’un cadre clair et partagé sur l’ensemble du territoire national.
Alors oui le secteur attends l’évolution du cadre législatif pour que le choix de pratiques saines et éco-responsables ne soit plus le fait de volontés individuelles pourtant pionnières et louables, mais une volonté politique et systémique.
Les dernières stratégies de santé publique vont dans ce sens depuis des années et ce début d’année 2020 devait marquer la sortie du 4ème Plan National Santé Environnement (PNSE4)iv.
La pollution chimique nous rends moins résistants au Covid-19
L’épidémie en cours est riche d’apprentissages dans ce sens : la pollution et la destruction de l’environnement augmentent le risque de contracter le Covid-19v.
La revue scientifique de santé publique Environnemental Healthvi a mis en évidence le lien entre pollution de l’air et cas létaux de syndrome respiratoire aigu sévère, type Covid-19 ; l’exposition sur le long terme à la pollution atmosphérique multiplie par 2 le risque de mourir.
Selon la directrice du département d’épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires de l’Inserm Isabella Annesi-Maesano «La pollution abîme les muqueuses des voies respiratoires et du poumon, ce qui fait pénétrer plus facilement les virus et, par agrégation, les particules fines et ultrafines véhiculent les virus au fond des voies aériennesvii. »
Quid des consignes de la Direction Générale de la Santéviii(DGS) ?
Comme d’habitude, ni plus ni moins
La DGS a publié des consignes officielles le 1er avril préconisant de continuer à appliquer les règles d’hygiène habituelles dans les lieux d’accueil car elles « jouent un rôle essentiel dans la prévention des maladies infectieuses ». En résumé on continue comme d’habitude à veiller à une bonne hygiène des lieux, ni plus ni moins.
La désinfection réservée aux cas de covid19 confirmés
Ce n’est qu’en cas de confirmation de COVID19 chez un enfant ou un professionnel que les mesures d’hygiène changent et que doit intervenir la désinfection, et uniquement pour les « sols et surfaces » avec un produit « virucide norme NF 14476 ». (La mention virucide doit apparaître sur l’étiquette du produit.) Le linge devant être lavé au moins 30 minutes à au moins 60°C.
La désinfection des jouets n’est donc pas recommandée par le Ministère de la Santé car inefficace pour limiter la propagation du virus et dangereuse. Elle expose les enfants de façon importante aux substances cancérigènes, perturbateurs endocriniens. N’oublions pas que les jeunes enfants portent continuellement les jouets et objets à la bouche. C’est comme leur donner chaque jour une « sucette de produit chimique »!
Quelques conseils pour que les lieux d’accueil de jeunes enfants restent des lieux sains et éco-responsables à la reprise
La reprise d’activité se fera sans désinfection massive
Tout d’abord si la structure d’accueil a été fermée pendant le confinement : pas besoin de désinfecter avant de réouvrir. En effet les éventuelles traces du virus auront largement eu le temps de disparaîtreix.
Pour les structures qui sont actuellement en activité l’entretien peut se poursuivre comme en temps normal, avec les mêmes produits et les mêmes protocoles. Pour mémoire, hormis pour l’espace cuisine il n’existe pas de réglementation mais une obligation de résultat.
Choisir des produits d’entretien éco-certifiés.
En cas d’utilisation d’un produit désinfectant virucide, choisir un produit moins nocif pour la santé et l’environnement. Attention aux allégations « vertes » : produits dit « naturels », « eco » ou « bio ». Pour être sûrs de la qualité environnementale choisir des produits titulaires d’un label fiablex : ce qui signifie que le contrôle ou la certification est réalisé par un organisme externe (ECOCERT…) et doit répondre à des critères stricts et consultables en ligne.
On peut conseiller les produits portant le label « écodétergent » qui certifie des produits (nettoyants et désinfectants) à base d’un maximum de produits d’origine naturelle. Il existe d’ailleurs 2 niveaux de certification : «Ecodétergents » et « Ecodétergents à base d’ingrédients Biologiques ». Le label Nature et Progrès propose également un label très exigeant.
Si la structure utilise habituellement un nettoyeur vapeur professionnel (vapeur à haute température 150° C et sous pression 5 bars), il reste parfaitement efficace pour désinfecter.xi/xii
Pour être efficace, toute désinfection doit être précédée d’un nettoyage. Les produits possédant la double propriété sont à privilégier mais une résistance à certains germes peut apparaître, aussi il est recommandé de maintenir régulièrement une détergence suivie d’une désinfection et de ne pas négliger le rinçage et le séchage de ces produits.
Prendre des précautions pour un environnement plus sain
Nettoyer en l’absence des enfants et en aérant au maximum les lieux (si possible plutôt le soir).
Les produits de nettoyage et désinfection des matelas de change sont à utiliser en l’absence des enfants, en respectant dans tous les cas les protocoles mis en place. Ils sont à vaporiser sur les carrés d’essuyage et non sur les surfaces pour limiter l’aérosolisation. L’usage de sprays mousseurs peut permettre de limiter l’inhalation de micro-gouttelettes pouvant être toxiques.
Aérer pendant le nettoyage des locaux permettra de diminuer d’emblée la pollution intérieure. Respectez les dosages et les dilutions.
Il faut évidemment rester très vigilant pour « veiller à l’apparition de symptômes du Covid-19 » chez l’enfant et chez le professionnel » pour pouvoir l’isoler rapidement.
Toutes ces recommandations sont applicables à la garde à domicilexiii par les assistantes maternelles et les auxiliaires parentales. Le dispositif Nounous Ecolos®xiv soutenu par l’Agence Régionale de Santé d’Ile de France peut leur permettre de se former à des pratiques saines et éco-responsables.